Le château d’Etxauz est un grand témoin de l’histoire de Baigorri, de la Navarre et de l’ensemble du Pays Basque.
Ce nom « Etxauz » (que l’on retrouve aussi sous la forme Echaoz, Echauz, ou Echautz au Moyen Âge) est sujet à discussion entre les spécialistes. Selon le linguiste et historien Jean-Baptiste Orpustan, il peut se décomposer en deux mots «etxe» : maison, et «auz» ou «autz» : pierre, rocher. Etxauz signifierait donc «la maison sur le rocher». D’autres interprétations plus incertaines ont vu le jour, qui expliqueraient le terme «Etxauzia» par «la maison du jugement» (etxe auzia), ou beaucoup plus improbablement «la maison du forgeron» (etxe arotza) ou encore «la longue maison» (etxe luzea)…
L’endroit où se situe l’actuel château semble avoir été le siège des vicomtes de Baigorri dès le début du XIe siècle, et pendant huit siècles (entre 1033 et 1830). Surplombant le village avec ses deux tours d’angle médiévales (XIIe siècle ?) et ses échauguettes modernes (XVIIe siècle ?), de forme légèrement rectangulaire, il est bâti sur un promontoire rocheux qui semble en partie aménagé par l’homme (motte féodale). Les parties les plus anciennes de la demeure sont datées de la fin du XIe siècle ou début du XIIe siècle, mais le château fut largement reconstruit fin XVIe siècle et l’intérieur réaménagé aux XVIIe, XVIIIe, puis XIXe siècles. Rien n’exclut qu’à l’origine, le château puisse avoir été entièrement construit en bois. Des fouilles archéologiques permettraient certainement d’en savoir davantage.
Selon l’historien Jean de Jaurgain (La Vasconie, 1898), Santxo III, roi de Pampelune (1004-1035) aurait confié la vallée de Baigorri, territoire politico-administratif rassemblant onze hameaux (peut-être pas encore définis à l’époque), à un grand seigneur de son entourage qu’il nomme vicomte en 1033. Garcia Loup est, à cette date, boutillier à la cour et frère du comte de Biscaye. Les vicomtes de Baigorri sont des proches des rois de Navarre qu’ils servent à la cour dès le début du XIe siècle, mais aussi dans les armées et les forteresses royales, dans l’administration, à la tête de «merindades» (régions administratives de Navarre à partir du XIIIe siècle). À partir du milieu du XIVe siècle les vicomtes de Baigorri se font appeler «d’Etxauz», ce qui correspond très certainement au nom de leur demeure principale : le château. Les premières mentions certaines de ce nom ont été retrouvées dans les archives de Pampelune, elles font mention d’une Maria d’Echaoz, fille du vicomte, en 1350 et d’un Miguel d’Echaoz, écuyer et très certainement fils du vicomte, qui sert le roi Charles II de Navarre en Normandie jusqu’en 1364, année de sa mort au combat.
La dynastie connaît ses heures de gloire à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle avec Semen Garcia, 14e vicomte de Baigorri, dit seigneur d’«Echautz» en 1371, il est châtelain («alcayte») du château royal de Rocaforte (Isturitz), qui garde la frontière avec le Labourd aquitain. En 1389, il est armé chevalier par le roi Charles III le Noble en personne et participe au couronnement du roi en 1390. Son fils, Jean, est fait chevalier de l’ordre de Saint-Jean-de Jérusalem en 1413. Il est «merino mayor» (gouverneur) pour la région de Lizarra. À l’occasion de ses noces, qui ont lieu au château royal d’Olite en 1398, Charles III lui offre une course de taureaux et 725 «peaux d’écureuils».
Entre 1512 et 1527, Gratian d’Etxauz, lié au clan nobiliaire des Gramont, défend, au côté des souverains légitimes, Jean d’Albret et Catherine de Foix-Béarn, l’indépendance de la Navarre. Une fois la Navarre conquise, les Etxauz, fidèles à la dynastie d’Albret déchue, deviennent de grands seigneurs dans le nouveau petit royaume qui s’organise en 1527 au nord des Pyrénées, la future «Basse Navarre». Les Etxauz siègent aux États de Navarre, au côté des Gramont, Luxe et autres seigneurs restés fidèles aux rois d’Albret.
Le château a-t-il eu à souffrir des guerres de religion ? L’engagement dans la Ligue catholique d’Antoine d’Etxauz, fils de Gratian, lui a-t-il valu l’incendie de son château par les forces protestantes de la reine Jeanne d’Albret contre qui il s’est rebellé ? Les archives restent muettes à ce propos. Le château est en tout cas rebâti, en bonne partie, entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle. Bertrand d’Etxauz, fils cadet du vicomte Antoine devient évêque de Bayonne entre 1599 et 1617, puis archevêque de Tours jusqu’à sa mort en 1641. Il est par ailleurs 1er aumônier d’Henri IV et de Louis XIII. La lettre qu’il écrit à la fin du XVIe siècle à son frère Jean, est un document intéressant puisqu’il est entièrement rédigé en basque.
À l’orée du XVIIIe siècle, la vicomté et le château passent à la famille des Saint-Martin (Capbreton, en Gascogne), puis vers 1750, aux mains des Caupenne d’Amou (Saint-Pée, en territoire basque du Labourd). La vicomtesse Marthe Madeleine de Saint-Martin (qui a épousé Henry Caupenne d’Amou) engage une sorte de « réaction nobiliaire », à la fin du XVIIIe siècle : elle exige des droits et des avantages nobiliaires anachroniques de la part des Baigorriar, ce qui suscite un affrontement avec la population du territoire… Les fastes des XIVe et XVIe siècles sont loin, les seigneurs d’Etxauz doivent désormais se contenter d’un train de vie plus modeste.